Cabaret Voltaire - Tristan Tzara

 


II. 1916. Dans la plus obscure rue sous l'ombre des côtes architecturales, où l'on trouve des détectifs discrets parmi les lanternes rouges – naissance – naissance du Cabaret Voltaire – affiche de Slodky, bois, femme et Cie, muscles du cœur Cabaret Voltaire et des douleurs. Lampes rouges, ouverture piano, Ball lit Tipperary, piano « sous les ponts de Paris », Tzara traduit vite quelques poèmes pour les lire, Mme Hennings – silence, musique – déclaration – fin. Sur les murs: van Rees et Arp, Picasso et Eggeling, Segal et Janco, Slodky, Nadelmann, couleurs papiers, ascendance art nouveau, abstrait et des cartes-poèmes géographiques futuristes: Marinetti, Cangiullo, Buzzi; Cabaret Voltaire, chaque soir on joue, on chante, on récite – le peuple – l'art nouveau le plus grand au peuple – van Hoddis, Benn, Treß – balalaïka – soirée russe, soirée française – des personnages en édition unique apparaissent, récitent ou se suicident, va et vient, la joie du peuple, cris, le mélange cosmopolite de dieU et de boRdel, le cristal et la plus grosse femme du monde: « Sous les ponts de Paris ».

Arrivée Huelsenbeck – 26. II. 1916.

pan! pan! pa-ta-pan
Sans opposition un parfum initial.
Grande soirée – poème simultané en 3 langues, protestation bruit musique nègre / Hoosenlatz Ho osenlatz / piano Typerary Laterna magica démonstration, proclamation dernière!! invention dialogue!! Dada!! dernière nouveauté!!! syncope bourgeoise, musique bruitiste, dernier cri, chanson Tzara danse protestations – la grosse caisse – lumière rouge, policemen – chansons tableaux cubistes cartes postales chanson Cabaret Voltaire – poème simultané breveté Tzara Ho osentlaz et van Hoddis Hü ülsenbeck Hoosenlatz tourbillon Arp – two-step réclame alcool fument vers les cloches / on chuchote: arrogance / silence Mme Hennings, Janco déclaration, l'art transatlantique = peuple se réjouit étoile projetée sur la danse cubiste en grelots.

- Le Cabaret a duré 6 mois, chaque soir on enfonça le triton du grotesque du dieu du beau dans chaque spectateur, et le vent ne fut pas doux – secoua tant de consciences – le tumulte et l'avalanche solaire – la vitalité et le coin silencieux près de la sagesse ou de la folie – qui pourrait en préciser les frontières? – lentement s'en allèrent les jeunes-filles et l'amertume plaça son nid dans le ventre du père de famille. Un mot fut né, on ne sait pas comment Dadadada on jura amitié sur la nouvelle transmutation, qui ne signifie rien, et fut la plus formidable protestation, la plus intense affirmation armée du salut liberté juron masse combat vitesse prière tranquilité guérilla privée négation et chocolat du désespéré.




Dada a été fondé au printemps 1916 à Zurich, dans une petite taverne, le Cabaret Voltaire, par messieurs Hugo Ball, Tristan Tzara, Hans Arp, Marcel Janco et Richard Huelsenbeck. Hugo Ball y avait montée, avec son amie Emmy Hennings, un spectacle de variétés auquel nous avons tous activement participé. La guerre nous avait projetés par-dessus les frontières de nos patries. Ball et moi nous venions d’Allemagne, Tzara et Janco de Roumanie, Hans Arp de France. Nous étions tous d’accord : la guerre avait été fomentée par les différents gouvernements pour les raisons les plus platement matérialistes ; nous, les Allemands, nous connaissions J’accuse sans quoi il eût été bien difficile de nous convaincre que le Kaiser et ses généraux aient pu être qualifiés d’hommes honnêtes. Ball était réfractaire et moi-même j’avais pu échapper de justesse aux poursuites de ces valets de bourreaux qui, pour des raisons soi-disant politiques, entassent les hommes dans les tranchées du nord de la France et leur donnent des grenades à bouffer. Aucun de nous n’avait ce genre de courage qui consiste à se faire fusiller pour les idées d’une nation qui, dans le meilleur des cas, n’est qu’un consortium de trafiquants de fourrures et de peaux et, dans le pire, une association de psychopathes s’en allant, comme dans la “ patrie ” allemande, avec un livre de Goethe dans leur havresac, pour embrocher à la baïonnette Français et Russes.

Richard HUELSENBECK, En avant DADA ; l'histoire du dadaïsme, 1920

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