Sérénade - Paul Verlaine



Picasso joue de la mandoline avec l’antiquaire et Paco Muñoz
Arles, 1959

Comme la voix d’un mort qui chanterait 
Du fond de sa fosse,
Maîtresse, entends monter vers ton retrait 
Ma voix aigre et fausse.

Ouvre ton âme et ton oreille au son 
De ma mandoline :
Pour toi j’ai fait, pour toi, cette chanson 
Cruelle et câline.

Je chanterai tes yeux d’or et d’onyx  
Purs de toutes ombres,
Puis le Léthé de ton sein, puis le Styx
De tes cheveux sombres.

Comme la voix d’un mort qui chanterait
Du fond de sa fosse, 
Maîtresse, entends monter vers ton retrait
Ma voix aigre et fausse. 

Puis je louerai beaucoup, comme il convient,
Cette chair bénie 
Dont le parfum opulent me revient
Les nuits d’insomnie. 

Et pour finir, je dirai le baiser
De ta lèvre rouge, 
Et ta douceur à me martyriser,
— Mon Ange ! — ma Gouge ! 

Ouvre ton âme et ton oreille au son
De ma mandoline : 
Pour toi j’ai fait, pour toi, cette chanson
Cruelle et câline.

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